La facette Boisée

Un parfum possède une architecture, il est construit autour d’un accord principal, c’est-à-dire d’un assemblage de composants, qui constitue son thème principal, son message. Selon le CFP (Comité Français du Parfum), on distingue 6 thèmes principaux ou familles olfactives

 

La facette boisée dans un parfum 

L’accord boisé : peut être le thème principal de la fragrance. Quand l’accord boisé est le thème principal d’un parfum, cela signifie, que l’on sent clairement le message boisé, de l’envolée de ce parfum à sa conclusion.
Quand on parle de facette boisée, cela veut dire qu’elle habille le thème principal autre que boisé.
Plus le parfum est facetté, plus il est complexe.
Un parfum chypre est par définition boisé.

 

Définition de la facette boisée 

Quand on pense parfum boisé, on pense plutôt aux parfums masculins, mais de plus en plus, les femmes recherchent des parfums boisés, sans notes florales, sans fruit, sans vanille. Les femmes empruntent de plus en plus aux hommes leur vestiaire olfactif.

 

 

Les caractéristiques principales de la facette boisée

On retrouve les facettes boisées dans toutes les familles olfactives : florales, gourmandes, chyprées, orientales, fougères, eaux fraîches et même dans les eaux de Cologne, car même si elles ne se devinent pas, ne se perçoivent pas, elles donnent de la structure, de la vibration à une fragrance. Les notes boisées sont de véritables « tuteurs » dans une orchestration olfactive. Elles participent à l’architecture, à la clef de voûte d’une fragrance.

 

Les notes boisées naturelles 

Les principales notes boisées naturelles sont : le santal, le cèdre, le vétiver, le patchouli, le pin et le cyprès. Ce sont toutes des notes de fond.

  • Le santal  

Pour sa dimension religieuse comme pour ses propriétés médicinales et cosmétiques, le santal est une matière rare et onéreuse. Il a fait l’objet d’un commerce entre l’occident, l’Asie et les îles du Pacifique.

C’est le seul bois doux, lacté et crémeux. Le santal Album autrefois en provenance d’Inde est désormais protégé par le gouvernement indien, il vient aujourd’hui d’Asie du sud-est. 

Il existe d’autres variétés de santal : Le santal Spicatum, qui pousse en Australie, ressemble plutôt à un cèdre ou encore le santal Austro-calédonicum que l’on trouve plutôt en Nouvelle Calédonie. Ce dernier possède un profil olfactif très proche de l’album, il incarne le renouveau de la note santal.

Le santal naturel est une note qui donne de l’assise au parfum, c’est une note crémeuse, lactée, confortable, chaude, enveloppante et sensuelle, mais difficile à travailler, car elle est « très sourde » donc très peu puissante, elle agit un peu comme une note musquée. Par contre, le santal est une note extrêmement tenace. 

C’est un défi pour le parfumeur-créateur, car seule, elle n’est pas performante dans une composition. La note naturelle de santal a besoin pour être sublimée d’être accompagnée de molécules santalées, elle peut être également habillée d’autres bois, tel le cèdre, le vétiver, le patchouli ou des molécules boisées de synthèse.

Il faut environ trente ans pour que l’arbre à santal atteigne sa taille définitive, soit une circonférence de 50 cm. Ce n’est que le cœur de l’arbre qui est odorant. Afin d’être utilisé en parfumerie, ce bois doit être coupé en copeaux puis traité par distillation.

Bois des iles de Chanel, Samsara de Guerlain, Santal de Mysore de Serge Lutens, Tam Dao de Dyptique, Santal 33 du Labo, Concrète de Comme des Garçons, Wonderwood de Comme des Garçons, Santal Massoïa d’Hermès sont des parfums à base de santal, très recherchés par les amateurs de notes directes « santal ».

  • Le cèdre

Le cèdre est plutôt une note froide, raide, elle évoque le crayon d’écolier, la scierie, les copeaux de bois. Elle peut rappeler également les promenades dans les souks de Marrakech, où l’on peut trouver de très jolis coffrets travaillés autour de ce bois. Elle se marie à merveille avec le vétiver et les agrumes notamment le pamplemousse. Elle accompagne tous les autres bois, comme le santal, le vétiver et le patchouli.

Il existe différents cèdres selon la provenance : cèdre de Virginie, le cèdre Texas et le cèdre de l’Atlas. Le cèdre de l’Atlas peut atteindre 40m, il est utilisé en menuiserie et on utilise les copeaux de bois (sous-produits de la menuiserie) pour obtenir l’huile essentielle par distillation. Son parfum possède une note animale, fumée.

Le cèdre Virginie, pouvant atteindre 25 mètres de haut, rappelle davantage la mine de crayon. Olfactivement les cèdres de Virginie et du Texas sont assez proches car ils ont la même origine. L’huile essentielle du cèdre de l’Atlas est plus puissante, plus animale que celle provenant des cèdres de Virginie et du Texas.

On retrouve ce bois de cèdre dans Féminité du Bois de Shiseido ainsi que dans beaucoup de compositions de Serge Lutens. Il est également très présent dans un parfum, qui a des points communs avec Féminité du bois : Dolce Vita de Dior, Bois Farine de l’Artisan Parfumeur.

  • Le patchouli

La note boisée de patchouli est assez « clivante » ou on l’adore ou on la déteste, pour certains elle rappelle les années baba cool des années 60. C’est une note boisée intéressante, car elle est sombre, terreuse, brute, végétale, elle peut rappeler la cave, la moisissure. Le patchouli donne beaucoup de caractère, de sensualité aux fragrances, elle remplace dans les accords chyprés, la mousse de chêne, désormais réglementée.

Ce sont les feuilles d’un arbuste. Quand ces feuilles sont fraîches, elles ne délivrent aucun parfum. Il faut les faire sécher, voire légèrement fermenter pour obtenir leur merveilleux parfum. 

Depuis quelques années « un cœur de patchouli » épuré existe, c’est la note de patchouli naturelle débarrassée de ses notes un peu poussiéreuses. Il devient encore plus majestueux, plus pur, plus élancé !

Le patchouli pousse dans un climat tropical, originaire de Malaisie, on le cultive aujourd’hui principalement dans les îles Indonésiennes (Sumatra, Java), en Inde, Madagascar puis Guatemala et Rwanda dans des proportions plus faibles. Les feuilles de la plante sont récoltées tôt le matin puis séchées pendant 1 semaine avant d’être distillées pour obtenir l’huile essentielle de patchouli. Il faut environ 500 kg de feuilles séchées pour obtenir 9 kg d’huile essentielle. 

Le parfum Patchouli de Réminiscence, Aromatics Elixir de Clinique, Coco Mademoiselle et Monsieur de Chanel et tous les chyprés en général possèdent de grandes quantités de patchouli.

  • Le vétiver

Le vétiver est principalement cultivé en Inde, à la Réunion et en Haïti ce n’est qu’au cours du 20 ème siècle qu’il fera l’objet d’une distillation à grande échelle pour un usage en parfumerie, car avant il était connu et utilisé depuis l’antiquité pour ses vertus curatives. On dit du vétiver qu’il est magique, car il est utilisé pour les rituels vaudous, les remèdes ayurvédiques, la purification des lieux ou de l’eau. De plus cette racine de vétiver est très utile contre l’érosion des sols.

C’est une des plus belles notes boisées de la palette des parfumeurs, à l’élégance intemporelle. L’une des étapes de la récolte du vétiver est la fouille, qui consiste à retourner la terre, pour extraire les racines. Plus elles sont fouillées profondément, plus elles sont riches en huile essentielle. Les racines seront débarrassées de la terre, séparées des tiges aériennes pour être ensuite lavées puis distillées. Il faut 100 kg de racines pour obtenir 1 kg d’huile essentielle.

Le vétiver, dont on utilise la racine, a une senteur boisée chaude et profonde, évoquant la myrrhe et les racines d’iris, elle est également considérée comme nerveuse, sa note terreuse et humide fait penser à la noisette fraîche avec des accents plus ou moins fumés.

Le vétiver d’Inde ou de la Réunion appelé « vétiver bourbon » est celui le plus apprécié en parfumerie. Le vétiver de Java est plus sec et beaucoup plus rêche, ce qui le rend de fait moins intéressant. La senteur de vétiver est très intéressante car elle donne vraiment une vibration au parfum, des notes de tête aux notes de fond. Elle agit comme un tuteur dans l’orchestration d’une fragrance.

Guerlain est parmi l’un des premiers à avoir rendu hommage au vétiver. En effet, Vétiver de Guerlain (1959) marie cette note boisée fraîche, aux agrumes, à la fève tonka, à la noix de muscade, et à un accord tabac. C’est cet accord unique qui le différencie des autres vétivers du marché. 

Le vétiver de Givenchy (1959), le vétiver de Carven (1957), le Vétiver Extraordinaire de Frédérique Malle (2002), le Sel de Vétiver de The different Compagny, Terre d’Hermès (2006) et Sycomore de Chanel sont des fragrances plébiscitées, travaillées autour de ce bois. 

Habanita de Molinard est un parfum féminin et sexy qui a utilisé en grande quantité la note racine de vétiver.

Un parfumeur a dit que si le vétiver était un personnage, ce serait Indiana Jones ! 

  • Les notes de pin ou de cyprès

On retrouve peu les notes sylvestres de pin ou de cyprès en parfumerie. Pourtant ce sont des notes très intéressantes comme : 

  1. L’essence de pin aux notes fraîches, montantes, amères, et balsamiques qui procurent un effet grand « bol d’air » dans une création. 
  2. Le fir balsam est une note naturelle d’aiguilles de pin, très salivante et légèrement sucrée.
  3. Le bornéol et l’acétate d’iso bornyl à l’odeur de pins chauffés au soleil, rappelant les pinèdes de la méditerranée.

Les parfums autour du pin ou cyprès : Pino Sylvestre et Acqua di Selva (deux grands classiques), Filles en aiguilles de Serge Lutens.

  • L’accord figuier

L’accord figuier, ou figue est très recherché à la fois dans les fragrances à porter ou dans les parfums d’ambiance. C’est en fait une composition, à base de différents bois, dont le santal associé, parfois au bois de cèdre. La noix de coco est importante dans l’accord ainsi que la note verte : la stémone. 

A sentir les deux parfums à base de figue ou de note de figuier : celui de Premier Figuier de l’Artisan Parfumeur et Philosykos de Diptyque.

  • Le bois de oud

De nombreux parfums sont désormais à base de bois de oud ou agarwood. Que ce soit le « bois de oud », « bois de oudh », « bois d’agar », « bois d’aloès », « jinko » ou encore « gaharu », toutes ces appellations désignent bien la même matière.

Ces bois ont été beaucoup utilisés par les rituels du khodo au japon. Ils sont largement utilisés également au moyen orient : lors de la fumigation « le bakhour », cette fumigation a pour but de parfumer leurs vêtements.

Ces bois de Oud ont désormais depuis une dizaine d’années, envahi la parfumerie plus « occidentale » ces notes oud sont désormais très appréciés de ceux qui veulent des notes très sombres, prononcées, extrêmement tenaces et puissantes.

Il s’agit d’une résine sombre et très odorante qui se développe dans une variété d’arbres appelés aquilaria lorsqu’ils sont infectés par un champignon, le phialophra. La résine qui se développe alors au cœur de l’arbre est une réaction de défense contre le champignon. La matière première obtenue est très onéreuse et précieuse, car rare, c’est la raison pour laquelle elle est rarement utilisée naturelle. D’ailleurs, peu de marques l’utilisent « naturelle ». Les bois de oud utilisés sont souvent des « reconstitutions ». Une reconstitution est un mélange de plusieurs notes à la fois naturelles et de synthèse.

C’est vraiment la note tendance du moment et il serait fastidieux de faire la liste des parfums qui contiennent du bois de oud, tellement il en existe. 

  • Le bois de gaïac 

Le bois de gaïac est un bois aux notes fumées, un peu cuir. Attention au dosage, car en excès, il peut donner une note de « jambon fumé ».

  • Le bois de bouleau

Le bois de bouleau, comme son nom pourrait le laisser entendre, n’est pas une note boisée, mais une note de cuir sombre. Mais celle-ci est désormais interdite par la législation et de bonnes reconstitutions remplacent cette note naturelle avec succès. La note bois de bouleau est donc désormais un accord constitué de notes boisées sombres naturelles comme le bois de Gaiac, bois de cade, mais également de notes de synthèse, comme le safranal, sudéral, styrax pyrogéné, isobutyl, etc.

 

Les notes boisées de synthèse

Heureusement, la parfumerie peut aussi utiliser de très belles notes boisées issues de la synthèse.

  • Une molécule issue du vétiver

Grâce à la chimie, l’acétate de vétivéryle a été découvert, c’est une molécule, mais celle-ci, paradoxalement, est plus chère que le produit naturel ! C’est une note nerveuse, montante, extrêmement fraîche et pure qui sent la note de vétiver mais donnant un ton très moderne à une fragrance.

On utilise également le vétiverol, c’est le cœur du vétiver débarrassé de sa note poussiéreuse.

  • Les molécules santalées 

De nombreuses molécules santalées de synthèse existent, mais elles ne peuvent se substituer au santal naturel. Elles servent à « booster » le santal naturel, car ce dernier est sourd, et nécessite d’être soutenu. Celles-ci doivent être maniées avec prudence, car elles rendent des notes assez « écœurantes ». On peut citer : 

  1. L’ébanol
  2. Polysantol
  3. Le sandalore
  4. Le sandella
  • L’évernyl

L’évernyl est une note de mousse d’arbre qui est très présente dans les parfums chyprés. Ce dernier ne remplace pas parfaitement la mousse de chêne, mais associé à des bois naturels comme le vétiver, et patchouli, peut se relever très utile.

  • Le cashmeran 

Le cashmeran possède une note boisée douce, presque orientale, musquée, que l’on trouve dans de nombreuses fragrances actuelles.

  • Les molécules cédrées

Les molécules, comme le cédrol, le vertofix ou le cédramber ont été isolées grâce à la chimie sont aussi intéressantes.

  • Le sudéral 

C’est une très belle molécule de synthèse, non boisée, considérée comme un cuir doux et clair, faisant penser à la note « daim » le sudéral aide aussi à la substitution de la note de bois de bouleau interdite par la législation.

  • L’iso-e super

Cette molécule à la note de boisée veloutée, presque musquée, fonctionne bien dans toutes les familles olfactives. Elle est présente en surdose dans Trésor de Lancôme.

  • Le karanal et notes boisées « tendances »

Une autre molécule de synthèse, très utilisée, le karanal, a permis en 2001 le succès de Light Blue de Dolce Gabbana, c’est un parfum très frais de la famille boisée, construit autour d’une structure agrumes et d’une note fruitée juteuse. Le karanal ou équivalent permet de donner une vraie puissance et un sillage à ce parfum.

Parfois, pour certaines marques, le karanal est limité ou interdit, d’autres notes vibrantes sont alors utilisées, comme le Limbanol, l’ambrocénide ou le Z11, elles sont très puissantes et très viriles, utilisées surtout dans les parfums masculins. Mais, on les trouve de plus en plus dans des parfums féminins. 

On les trouve, parfois, trop dans de nombreux parfums récents du marché. C’est parfois la solution facile pour donner de la puissance à une fragrance.

 

Conclusion

La parfumerie confidentielle, plus audacieuse et remarquable par sa grande liberté créative, ne fait pas la distinction entre le féminin et le masculin, on parle davantage d’émotions et c’est aussi dans le registre des notes boisées que le choix est le plus riche dans ce style de parfumerie.

 

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